Récemment, certains articles circulent en affirmant que le graphiste n’est pas, ne sera jamais, et ne devrait même pas envisager d’être un UX Designer. Une hypothèse séduisante et provocante, facile à partager en quelques clics. Mais prenons un instant pour réfléchir.
L’émergence de l’UX : une révolution mal comprise
L’UX design a fait son apparition progressive, puis massive, à partir de 2008. Cette évolution a conduit certains à décréter que les pratiques antérieures étaient dépassées, voire obsolètes. Dans cette logique, les graphistes, souvent associés à la culture des agences des années 1990–2000, sont perçus comme des vestiges d’une époque révolue, incapables de s’adapter à l’ère numérique centrée sur l’utilisateur.
Les raccourcis de l’ère de l’UX ‘à la mode’
Oui, l’UX est devenu un terme tendance, omniprésent dans les descriptions de poste sur LinkedIn. Mais les véritables experts ne surgissent pas de nulle part, et mettre ‘UX’ sur un titre ne suffit pas à transformer un amateur en professionnel crédible. Alors, prenons du recul et ajoutons un peu de bienveillance et de réalité à ce débat.
Le graphiste : un designer comme les autres
Avant tout, clarifions ce que l’on entend par ‘graphiste’. Le graphiste n’est ni un exécutant limité à appliquer des instructions, ni un artiste cherchant à exprimer une vision personnelle. Le graphiste est un trouveur de solutions, un créateur de cohérence, un expert en storytelling, un testeur acharné, et parfois même un combattant, prêt à défendre ses idées et à assurer leur exécution. Ces compétences, loin d’être incompatibles avec l’UX, en sont les fondements mêmes.
Résoudre des problèmes, une mission partagée
Le rôle principal d’un graphiste est de résoudre des problèmes de communication visuelle, d’image ou de perception. De manière similaire, l’UX Designer cherche à résoudre des problèmes liés au parcours utilisateur, à la compréhension ou à l’ergonomie d’un service. La créativité, pilier du graphiste, est donc une compétence clé partagée.
Garantir la cohérence : un impératif commun
Le graphiste veille à ce que tous les éléments visuels d’un projet — des icônes aux couleurs en passant par la typographie — soient cohérents avec l’identité graphique. Imaginez un site e-commerce qui change radicalement de style visuel dans le panier : l’utilisateur serait déstabilisé. Cette quête de cohérence, essentielle à l’UX, est un terrain d’entente évident.
Créer de l’émotion et raconter une histoire
Le storytelling est une arme redoutable pour capter l’attention et engager les utilisateurs. Il s’inscrit pleinement dans le design émotionnel, qui joue un rôle clé dans l’expérience utilisateur. Un graphiste, par sa maîtrise des univers visuels et narratifs, excelle dans ce domaine.
Tester, encore et toujours
Les graphistes savent que tester leurs créations est indispensable pour s’assurer qu’elles répondent aux attentes. Le feedback, qu’il vienne de clients, d’équipes internes ou d’utilisateurs finaux, améliore la pertinence des concepts et aiguille les solutions.
Défendre ses idées : un défi commun
Un graphiste, comme un UX Designer, doit convaincre des interlocuteurs variés — clients, chefs de projet, développeurs — souvent influencés par leurs goûts personnels. Construire des argumentaires solides et défendre la valeur de ses propositions sont des compétences clés pour les deux métiers.
Quand devient-on UX Designer ?
La vraie question n’est pas de savoir si un graphiste peut devenir UX Designer, mais plutôt comment on devient UX Designer. Aujourd’hui, peu de formations initiales enseignent l’UX de manière approfondie. Les cursus spécialisés restent rares, bien que des initiatives comme celles de FLUPA et des écoles comme l’Université Catholique de Lille contribuent à populariser la discipline. Mais devenir UX Designer ne repose pas uniquement sur un diplôme : c’est un processus continu.
Une invitation à l’ouverture
Écarter un graphiste sous prétexte qu’il s’intéresse à l’UX est non seulement absurde, mais contre-productif. La curiosité et l’envie d’apprendre sont au cœur du design UX. Refuser ces passerelles, c’est nier l’essence même de ce métier. Finalement, l’UX n’est pas une case à cocher, mais une mentalité : celle de s’améliorer, d’apprendre, et de toujours chercher à faire mieux pour l’utilisateur. En ce sens, un graphiste curieux et motivé peut devenir un UX Designer de grande valeur.
Plutôt que de chercher à opposer graphistes et UX Designers, il est temps de reconnaître leur complémentarité. Les graphistes, avec leur capacité à créer des univers visuels cohérents, à résoudre des problèmes de communication et à raconter des histoires captivantes, possèdent des bases solides pour s’épanouir dans l’UX. Ce ne sont pas des compétences antagonistes, mais bien des forces qui, combinées, élèvent la qualité d’un produit.
L’expérience utilisateur ne se limite pas à des parcours fluides ou à des interfaces fonctionnelles : elle repose aussi sur l’émotion, la compréhension, et la connexion avec les utilisateurs. Un graphiste curieux et ouvert, motivé par l’envie d’apprendre et d’aller au-delà des visuels, peut devenir un acteur clé de cette transformation.
En fin de compte, l’UX est une démarche, un état d’esprit, et non un titre réservé à une élite. Ce qui compte, ce n’est pas le point de départ, mais le chemin parcouru et l’intention de toujours faire mieux. Alors ouvrons les portes de l’UX aux graphistes, car leur talent et leur créativité sont des atouts précieux pour construire des expériences mémorables et impactantes.